l’annonce de l’IBM 360, la première famille d’ordinateurs compatibles du marché, et celle du PC, l’ordinateur personnel d’IBM.
Les progrès techniques réalisés au cours de cette période sont étourdissants. On se met à parler de « technologies de l’information » car l’informatique est devenue stratégique dans le développement des entreprises, la recherche et la défense. C’est aussi au cours de cette période qu’un débat de fond s’engage sur le thème "informatique et société". IBM France y participera pour défendre à la fois ses valeurs et son avenir.
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L’annonce de l’IBM 360 ou le début d’une ère nouvelle
L'année 1964 est à marquer d'une pierre blanche. C'est l'année de l'annonce de la première gamme d'ordinateurs universels, de la construction d'une deuxième usine à Montpellier, puis d'une troisième à Boigny, près d'Orléans, où l'on construit également un centre administratif.
Une ère nouvelle commence.
Le 360, un ordinateur dont les programmes et les unités périphériques sont utilisables sur toute la gamme, correspond à ce que les clients attendaient avec impatience : un matériel qu'il soit possible de changer pour un modèle plus puissant sans avoir à récrire les programmes. Il a un autre avantage : c'est à la fois un ordinateur scientifique et un ordinateur de gestion. Au risque d'abuser du terme, n'hésitons pas à dire qu'un tel système était… révolutionnaire ! Un de plus ! Les commandes affluent. Plus de 35 000 unités seront vendues dans le monde.
Autre nouveauté, le cœur du 360 est constitué de circuits logiques SLT (Solid Logic Technology), des semi-conducteurs plus denses, plus fiables et plus rapides que les transistors. Surprise ! Ces composants électroniques sont fabriqués à l'usine IBM de Corbeil-Essonnes. La conversion de cette usine a été préparée en grand secret. Elle endosse à nouveau les habits du pionnier mais dans un autre domaine, celui de la microélectronique. Le montage et les tests des ordinateurs seront transférés à la nouvelle usine de Montpellier.
Le général de Gaulle et les "Plans calcul"
Le succès considérable du 360 est une immense satisfaction pour IBM France et ses collaborateurs. Mais il fait naître des jalousies et éveille des craintes. La compagnie est bousculée. Les multinationales, et surtout IBM, sont accusées de bien des maux : l’origine américaine de la société serait-elle un danger pour le pays ? La concurrence peut-elle s’exercer ? Pour tenter de rétablir l’objectivité, le corps commercial d’IBM affecté au secteur public va apprendre à développer un argumentaire mettant en évidence les valeurs de la compagnie et sa contribution à l’économie nationale.
L’idée de promouvoir une informatique nationale prend corps quand les États-Unis refusent de livrer un système de marque CDC au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), au prétexte que la France n’a pas signé les accords de non-dissémination de l’arme nucléaire. Le général de Gaulle décide alors que la France disposera d’ordinateurs nationaux capables d’assurer sa défense.
Les "Plans calcul" sont nés.
Cette politique largement discriminatoire à l’égard d’IBM durera près de 20 ans.
Investissements élevés et formation
Le développement d'IBM France souffrira de cet ostracisme, mais les investissements se poursuivent. Plusieurs chantiers ouvrent. L'usine de Montpellier sort de terre au milieu des vignes.
À Boigny, on aménage les lignes de fabrication pour la production du matériel dit " de bureau ". Les usines travaillent souvent en triple équipe et le nombre de sous-traitants dépasse 1 600 entreprises.
Pour que les employés suivent le rythme de l'évolution technologique, la formation accompagne les changements d'emplois, rendus nécessaires par les révolutions successives : elle représente près de 10 % de la masse salariale. Les clients ne sont pas négligés : IBM développe et leur propose les cours CODE, " Cours ordinateurs pour dirigeants d'entreprise ".
Sous les pavés, l’activité continue
Arrivent les Jeux olympiques d'hiver de Grenoble en 1967.
C'est l'occasion de montrer au monde entier de quoi IBM France est capable. Deux IBM 360, et un certain nombre de terminaux, sont livrés pour recueillir et distribuer les résultats à travers un réseau de télétraitement. Partout, la télévision diffuse simultanément les résultats et les images des épreuves. La prestation est jugée sans défaut par une presse unanime.
En mai 1968, ni grève ni occupation d'usine. La politique sociale pratiquée par IBM France depuis des années y est sûrement pour quelque chose : des salaires largement au-dessus du minimum de l'époque, un temps de travail bientôt limité à 40 heures par semaine à partir de 1970, une formation continue appréciée.
L'année suivante, le Centre d'études et recherches (CER) d'IBM à La Gaude commence à faire parler de lui. Un prototype d'autocommutateur est annoncé : l'IBM 2750. Couronnement de plusieurs années d'efforts et de coopération entre le CER et l'usine de Montpellier, cette sorte de central téléphonique utilise les premiers circuits intégrés monolithiques non hybrides, mis au point par IBM dans le monde. Reste à en obtenir l'homologation par les PTT et à voir confirmé le succès que les premières démarches en clientèle laissent espérer. Le coup d'essai sera un coup de maître. Son successeur, l'IBM 3750, arrivera en 1972. Il établira durablement IBM dans la position de leader des solutions "voix-données".
L’impulsion donnée au marché des services informatiques
Le début des années 1970 est marqué par la naissance des sociétés de services informatiques. En décidant de facturer séparément le matériel, les logiciels et les services, IBM donne naissance à un nouveau marché qui ne fera que croître par la suite. Cette décision est aussi importante pour les affaires d'IBM et ses clients que le " consent decree " de 1956 qui avait contraint la compagnie à proposer ses matériels à la vente, et plus seulement à la location.
La période est riche en nouveautés.
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L'IBM 370 succède au 360, installant définitivement le principe de la compatibilité des systèmes. Il apporte aussi une avancée technologique majeure : la mémoire virtuelle.
La machine à écrire "à correcteur d'erreurs de frappe" est mise sur le marché. Le laser et l'impression par électro-photographie permettent à l'imprimante IBM 3800 de produire 38.000 lignes à la minute. La technologie du stockage magnétique fait des progrès considérables : inventée par IBM, la technique des films fins qui dote les têtes de lecture-écriture des disques magnétiques permet une vitesse de lecture-écriture de 3 millions de caractères par seconde. |
Les solutions PME-PMI arrivent : l'IBM 3, puis les 32, 34 et 38. Ils seront plébiscités par les clients.
Sur le plan industriel, l'usine de Bordeaux-Canéjan voit le jour pour faire face à la croissance de la production des cartes électroniques.
Mais revenons en 1972. Le designer-typographe Paul Rand dessine le logo IBM actuel à huit barres. Il y a plus de 30 ans ! Il avait déjà, en 1956, redessiné en lettres pleines la version de 1946. Paul Rand réussit un exploit : donner une identité pérenne et unique à trois lettres et une entreprise : IBM. | ![]() |
Il s'autorisa même le luxe de concevoir un amusant rébus en 1981 : "Eye Bee M" !
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Le tournant de l’informatique personnelle
La période 1964-1982 traitée ici mérite son titre : l'expansion.
En 1964, IBM France réalise un chiffre d'affaires de 1,1 milliard de francs, 60 millions de bénéfice net et emploie près de 10 000 personnes. En 1982, le nombre d'employés dépasse les 20 000, le chiffre d'affaires est de 22,3 milliards de francs et le bénéfice de 1,3 milliard. Malgré des hauts et des bas que les présidents successifs - Jacques Herbart, en 1973, et Jacques Lemonnier, en 1977 - ont géré, les résultats sont plus que positifs. Pourtant, le débat sur l'informatisation de la société et sur le rôle d'IBM dans cette évolution n'est pas clos.
Le Rapport Nora-Minc, publié en 1978, fait date. Les médias ne retiennent qu'une chose : IBM risque de dominer la planète ! D'arguments en arguments, IBM souligne que "celui qui fournit les matériels ne domine pas pour autant l'information". Les dirigeants d'IBM participeront à de nombreux colloques jusqu'à ce que les pouvoirs publics et l'opinion comprennent que l'industrie informatique, l'économie et la société ont besoin de sociétés comme IBM.
Finalement, c'est peut-être le tournant de l'informatique personnelle qui changera le cours des choses. Annoncé en août 1981 aux États-Unis, en janvier 1983 en Europe, le Personal Computer d'IBM est un événement considérable.